La grotte de Pod Hradem montre la transition entre Néandertal et Homo sapiens
La stratigraphie de la grotte de Pod Hradem (République Tchèque) permet de voir les évolutions culturelles et lithiques entre – 50 000 ans et – 28 000 ans.

C’est dans la revue Journal of Human Evolution que les archéologues de l'Université Nationale Australienne (ANU) et de l'Université de Sydney ont publié les résultats de leur étude de la grotte de Pod Hradem. Cette cavité permet de suivre l’histoire humaine quand les Homo sapiens ont remplacé les Néandertaliens.

La grotte de Pod Hradem est située dans la région de la Moravie en République Tchèque, à 21 km au nord de Brno. La première campagne de fouilles sur le site a eu lieu entre 1956 et 1958. Les chercheurs ont vu rapidement que l’intérêt du gisement résidait dans la durée de l’occupation humaine : entre 25 050 ans et 44 800 ans BP. Les outils retrouvés ont été identifiés comme Aurignaciens et Szeletiens (culture lithique spécifique décrite en République Tchèque). Au total, plus de 20 000 ossements d’animaux ont été exhumés sur 10 couches sédimentaires. Dans les plus anciennes couches (- 50 000 ans BP) ce sont des éclats issus de matériaux locaux qui ont été fabriqués par les premiers visiteurs de la cavité. Dans la couche 10, qui correspond à la période comprise entre  48 000 et 45 000 ans BP, tous les artefacts de pierre récupérés ont été fabriqués à l'aide de matières premières locales.  "Dans les premières couches, les artefacts que nous avons trouvés sont des éclats éventuellement utilisés par de petites communautés vivant et chassant à proximité pour tuer des animaux ou préparer des aliments."
Tube osseux taillé, photo Nejman et al.


Un petit morceau d’os entaillé
Les chercheurs indiquent  qu’à partir de cette strate (correspondant à 40000 BP) les chercheurs ont trouvé de plus en plus d’artéfacts  réalisés dans des matériaux provenant de régions éloignées.
Toujours à partir de la même époque, une découverte exceptionnelle a été faite en 2011 : « Nous avons découvert un petit « tube » gravé en os de mammifère. C'est un objet d'art mobilier, le plus ancien de son type trouvé en Europe Centrale. Il devait fournir un signe d’appartenance sociale, très probablement utilisé comme collier pour identifier son porteur ».
Photo : extrémités de du tube en os Francesco d’Errico / Wright et al.
 
De plus en plus de mobilité
Il y a donc deux périodes clairement identifiées, avant et après 45 000 ans BP.
« Entre ces deux périodes, nous avons donc  vu un changement de comportement humain (artistique) et de mobilité géographique. "Nous avons constaté que, entre 40 et 48 000 ans, les gens sont devenus de plus en plus mobiles", a déclaré le Dr Nejman. Cela correspond même peut-être à un changement d'espèce". « Il y a environ 40 000 ans, nous commençons à voir des matériaux provenant de sites beaucoup plus éloignés » précise le Dr Duncan Wright (ANU).
«Au lieu de se déplacer à proximité de la grotte, ils s’éloignaient de plusieurs centaines de kilomètres régulièrement. Nous le savons car nous avons trouvé divers artefacts dont la matière première provient de sites situés entre 100 et 200 kilomètres de la grotte".
Les artefacts ont également été fabriqués en différents matériaux, provenant de différentes régions: certains du Nord-Ouest, certains du Nord, certains de l'Est.
Photo d'un outil retrouvé à Pod Hradem et dont le matériel provient d'un site éloigné de plus de 100 km - Photo Miroslav Kralik.

Les changements climatiques
Le Dr Nejman a également déclaré que l'étude a permis de révéler de nouvelles informations inédites sur le climat de la région. "Jusqu’à présent nous n'avons pas pu étudier une si longue séquence de couches sédimentaires", a-t-il déclaré. "Le climat a changé à plusieurs reprises, du plus chaud vers le plus froid, et vice versa, mais sur toute la période il était nettement plus froid que la période interglaciaire dans laquelle nous sommes depuis 10 000 ans".

Souhaitant bénéficier des dernières techniques d’analyse ADN des sédiments anciens, l’équipe de chercheurs a fait parvenir des échantillons des différentes couches de sédiments de la grotte. Comme à Denisova ou El Sidron, les équipes vont bientôt savoir si les couches stratigraphiques de Pod Hradem contiennent de l’ADN humain… et de quelle espèce !
Le Dr Wright a déclaré que les résultats apporteraient un nouvel éclairage sur la période de transition entre les deux espèces d'êtres humains de Pod Hradem. Elle permettra également de préciser les activités de nos ancêtres à  une période et dans une région que l’on connaît peu.
Photo de l'entrée de la grotte Dr. Ladislav Nejman.