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Critique du livre Il était une fois l'Homme - Tome 1 La préhistoire - Editions Soleil

Il était une fois l'Homme - Mise au point de Romain Pigeaud
Bande-dessinée
Tome 1 La Préhistoire
Gaudin, Barbaud, Minte

Un article du préhistorien Romain Pigeaud qui pointe les trop nombreuses erreurs et anomalies de cette bande-dessinée pourtant destinée aux enfants.




Il était une fois l'homme - une bd pour enfants avec de nombreuses erreurs



Présentation de l'éditeur
Il était une fois... l'Homme est une série animée de vulgarisation scientifique et historique créée en 1978 par Albert Barillé. Elle connut un succès immédiat et immense qui se poursuit aujourd'hui auprès des nouvelles générations. Retrouvez Maestro, le Nabot, Pierre, Pierrette, le Gros, Petit Gros, Petit Pierre et le Teigneux dans cette adaptation en bande dessinée fidèle à l'oeuvre d'origine.






Il était une fois... la bande dessinée qui a oublié de faire sa mise à jour !

Romain Pigeaud par Hervé PaitierLes personnes qui, comme moi, ont franchi la quarantaine, se souviennent de ces cinq minutes quotidiennes. À 19 h55 exactement, démarrait le générique de la série animée Il était une fois… L’Homme. La toccata et fugues de Bach, avec cette animation exceptionnelle : l’évolution en accéléré, depuis l’apparition de la vie jusqu’à la destruction de la planète, avec les héros qui se tenaient la main dans une ronde pacifique : Maestro, Pierre, Pierrette, Le Gros, le Teigneux, le Nabot, et leurs déclinaisons enfantines… C’était une négociation sans fin avec le Père qui ne voulait pas rater le journal de 20 heures et souhaitait passer de la troisième chaîne à la deuxième, deux minutes avant, pour être sûr de ne pas rater les titres ! Chaque semaine, une période était traitée, par tranches de cinq minutes, et puis le samedi (ou le dimanche, je ne sais plus), on pouvait regarder l’intégrale. Les fans (dont j’étais) prolongeaient le plaisir en achetant la revue, qui reproduisait telle une bande dessinée les captures d’écran. Puis il y a eu les albums. Et j’ai grandi. Comme tous mes camarades, j’ai versé ma larme à l’annonce du décès d’Albert Barillé, réalisateur, auteur, scénariste et producteur de la célèbre série
(Photo Romain Pigeaud par Hervé Paitier)

Enfin, j’ai appris, comme tous mes contemporains, que je faisais partie d’une génération passionnément nostalgique, adepte du vintage. Qui n’a pas dansé en boîte sur le générique de Capitaine Flam ? Hurlé le générique de Maya l’abeille ? J’aimais, comme d’autres, farfouiller, retrouver, dans les brocantes, les vide-greniers, ces restes futiles de mon enfance. Pour les faire découvrir à mes enfants, qui n’en ont rien à faire. Des commerciaux s’en sont aperçus. Le marché est devenu florissant. Maya l’abeille revient, Desireless nous bassine avec son Voyage, voyage et l’Homme Araignée est devenu Spiderman. C’était inévitable : Il était une fois… L’Homme allait ressusciter !

Oui mais voilà : l’enfant est entretemps devenu un scientifique. Et s’il avait les yeux de Chimène pour son dessin animé préféré, ses yeux se sont depuis longtemps dessillés. Il ne peut qu’applaudir à la réédition de l’œuvre de Barillé. Le problème est que la science est une discipline accumulative, qui se corrige avec le temps. Il était une fois… L’Homme était à la pointe de l’actualité, abreuvé aux meilleures sources. Certaines se sont taries, d’autres ont dévié. Il aurait été très intéressant (et je suis sûr que Barillé aurait été d’accord) de retravailler le dessin animé, de l’actualiser. Hélas ! Pour faire de l’argent et des économies, ont préfère rediffuser une sorte de monstre anachronique, sans aucun appareil critique. Les parents applaudissent, ils revivent leur enfance. Et ne se rendent pas compte qu’ils relaient auprès de leur progéniture des idées et des concepts peut-être valables dans les seventies, mais qui sont aujourd’hui totalement dépassés. Quelle malhonnêteté de la part des programmateurs !

La déclinaison en bande dessinée n’échappe pas non plus à ce reproche. Je l’ai parcourue. Certes, le scénario s’écarte en partie du dessin animé, il y a eu des coupes bienvenues. Le dessin est clair, bien reproduit. C’est une œuvre originale. Pourtant, le scénariste, Jean-Charles Gaudin aurait dû se renseigner. Il subsiste de nombreuses erreurs. Et pourquoi ne pas avoir intégré les découvertes récentes ?

Je les passe en revue rapidement :

Passons sur l’apparition de la vie et le rayon de lumière (un arc-en-ciel dans le dessin animé original) qui frappe le sol des océans (page 5). Cette image, au demeurant très belle, qui n’est sans doute qu’une évocation poétique, pourrait aujourd’hui être suspectée de dérive créationniste, en sous-entendant une intervention divine. Il faut faire attention aux graines que l’on sème dans les cervelles d’enfants.

La sortie des eaux  (page 6) :

Comme l’explique Sébastien Steyer, dans La Terre avant les dinosaures (Belin, 2009, pages 76-80), « la sortie des eaux n’existe pas ! ». Il faut parler des sorties des eaux, au pluriel ! : « dans l’histoire de la vie, les organismes n’ont en fait jamais cessé de sortir de l’eau ! Entre l’Ordovicien et le Silurien, il y a environ 440 millions d’années, les plantes puis les arthropodes tentèrent l’aventure terrestre, et avec un certain succès (…). Aujourd’hui encore, certains organismes aquatiques s’aventurent sur les continents (…). D’ailleurs, sans les sorties des eaux des plantes et des arthropodes, qui ont considérablement modifié les paysages, les écosystèmes et les environnements du Paléozoïque, les tétrapodes ne seraient probablement jamais sortis de l’eau à leur tour… ». Ichthyostega n’est plus le premier tétrapode connu (pourtant, que j’ai eu du mal à mémoriser son nom !), mais Acanthostega. Et ce n’était pas, comme son cousin non plus, un animal terrestre. Il était d’ailleurs plus souvent dans l’eau. Sur terre, comme Ichthyostega, il devait se traîner à la façon  des phoques ou des otaries (Steyer, op. cit., p. 48). Ils ne se sont pas aventurés sur le plancher des vaches futures suite à l’assèchement de leur mare, comme on le croyait encore à l’époque de Barillé. Non, ils nageaient pépères dans le littoral (mangroves, etc.).

Le brachiosaure (page 8) :

Il n’est plus « le champion toutes catégories » ! Le précieux titre a depuis changé plusieurs fois de mains, au gré des découvertes. Pour le moment, c’est Argentinosaurus qui tient la corde, avec ses 35 mètres de long et ses 73 tonnes.

La disparition des dinosaures (page 10) :

Elle s’est produite autour de 65 millions d’années, et non 70 millions d’années. Il aurait été malin d’ajouter ici que tous les dinosaures n’ont pas disparu mais que nous les appelons aujourd’hui… les oiseaux !

 La phylogénie des Primates (page 10) :

Plesiadapis a été exclu de la lignée des Primates. Il aurait été mieux venu de parler de Purgatorius.

L’ancêtre commun à l’Homme et aux Grands Singes (page 11) :

Proconsul est un hominoïde, c’est-à-dire un singe sans queue, d’allure humaine. Les hominoïdes ont divergé des cercopithecoïdes autour de 25 millions d’années. Le premier hominoïde connu est Kamoyapithecus, autour de 24 millions d’années (pour plus de détails, voir Dominique Grimaud-Hervé et al., 2015, Histoires d’Ancêtres, Arles, éditions Errance). Le DAC (Dernier Ancêtre Commun à l’Homme et les Grands Singes que sont le chimpanzé, le bonobo et le gorille) vivait autour de 10 millions d’années. Il est encore inconnu.

L’East Side Story (page 12) :

La théorie d’Yves Coppens est ici juste évoquée. Elle est aujourd’hui fortement nuancée. Les  hominoïdes ont dû s’adapter à de nouvelles conditions climatiques, mais pas seulement à l’Est du grand rift est-africain. En tout cas, cela n’a pas concerné Proconsul, comme il est suggéré ici ! Le pauvre est resté herbivore, il n’a jamais chassé le cerf, même s’il a pu déguster un petit lézard ici ou là.

Ramapithecus (page 13) :

Il a été prouvé depuis que cette espèce n’existe pas, qu’il s’agit de la femelle du Sivapithèque, confondue avec une autre espèce du fait de sa gracilité. Il y avait en effet à cette époque un fort dimorphisme sexuel.

Les Australopithèques (page 13) :

Il n’est pas fait mention de Toumaï, ni d’Orrorin, encore moins des Ardipithèques. Australopithecus robustus est aujourd’hui classé comme Paranthrope et écarté de la lignée humaine.

Homo habilis  (page 14) :

Ici, nous rencontrons une erreur hélas très répandue dans les publications grand public ou pour la jeunesse. Rappelons que le nom taxinomique d’une espèce doit toujours être écrit en italiques, et que seul le nom de genre prend une majuscule : il faut donc écrire Homo habilis et non Homo Habilis. Cette erreur se répète tout au long de la BD.

Par ailleurs, rappelons que le genre Homo apparaît vers 2,8 millions d’années et que les premiers outils connus ont 3,3 millions d’années. Nous ne savons pas qui furent les premiers artisans : des Australopithèques ? Des Paranthropes ? Un Homo encore inconnu, apparu plus tôt qu’on ne le pensait ?

Par ailleurs, il est plus que probable que nos ancêtres furent charognards avant d’être chasseurs.

Enfin, sur cette page, apparaît la théorie dite du « singe tueur », qui voudrait que les premiers hominidés se soient affrontés, comme dans le prologue de 2001, l’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick. Rappelons là encore que les derniers Paranthropes furent contemporains des premiers Homo ergaster (la version africaine d’Homo erectus). Homo habilis n’est donc pas responsable de la disparition des Paranthropes !

La sortie d’Afrique (page 15) :

Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas Homo habilis qui est sorti d’Afrique mais Homo ergaster.

Les Anténéandertaliens  (page 19) :

Sinanthrope est un autre nom d’Homo erectus, surnommé également Pithécanthrope. Il est faux donc de faire descendre l’un de l’autre.

Le Swanscombe et le Montmaurin ne sont pas des espèces définies comme telles. Il aurait mieux valu parler d’Homo heidelbergensis.  En tout cas, toute cette partie aurait mérité d’être revue et actualisée.

L’invention du biface (page 20) :

Le biface a été inventé par Homo ergaster, autour d’1,75 million d’années, et non Néandertal, même si celui-ci en fabriquait également.

Le calendrier lunaire (page 26) :

Ici est évoquée une théorie d’Alexander Marshack, qui avait identifié ces sortes de calendriers sur des objets paléolithiques. Il n’a pas été suivi par la communauté scientifique sur ce point, mais pourquoi pas ? Rien ne le prouve en tout cas.

Le tomawak (page 35) :

C’est une erreur très répandue encore. Non, le biface n’était pas emmanché comme un tomawak (ou une « hachette » comme dans la bande dessinée) ! Cette erreur a été rajoutée, car rien de tel n’apparaît dans le dessin animé, ou au contraire la pointe Levallois apportée par Petit Pierre à son père est parfaitement positionnée sur la lance.

Les fresques (page 40) :

Autre erreur communément répandue, et on aurait pu espérer qu’une publication pédagogique à destination de la jeunesse aurait pu s’en affranchir : les peintures rupestres ne sont pas des fresques ! La technique de la fresque, si particulière ne fut inventée que durant l’Antiquité.

L’invention de l’arc (page 43) :

Je passe sur les péripéties plus ou moins comiques, et les scènes de chasse au mammouth, qui devaient être rares et dangereuses. Mais c’est moins vendeur de représenter une chasse au renne !
Quant à l’invention de l’arc, même si elle est envisagée par certains préhistoriens, nous n’en avons aucune preuve avant le Mésolithique, soit plusieurs millénaires après la scène reproduite ici.

La magie de la chasse (page 44) :

Lire ce passage m’a vraiment énervé ! Rappelons que la théorie de la « magie de la chasse », selon laquelle les hommes préhistoriques auraient représenté des animaux blessés sur les parois pour mieux les chasser, a été réfutée dès les années 1960. Dans les années 1970, on pouvait pardonner à Barillé de ne pas avoir encore entendu parler des travaux d’André Leroi-Gourhan, mais en 2016 !

Je passe sur l’invention des pictogrammes, des corrals et de la domestication du chien, évoqués en deux pages (45 et 46). C’est envisageable.

En conclusion, l’éditeur aurait été mieux avisé de faire relire le scénario à un préhistorien plutôt que de vouloir juste adapter un vieux dessin animé. Les parents, nostalgiques et confiants, achètent un tissu d’erreurs à leurs enfants. Ce n’est vraiment pas leur rendre service !

Romain Pigeaud
Archéologue. Préhistorien

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