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Une sépulture partagée par un homme et un renard... (08/03/10)

Un homme et un renard partagent la même tombe depuis 16 500 ans

L'étude d'un site mortuaire vieux de 16 500 ans découvert en Jordanie fournit aux chercheurs britanniques et canadiens de nombreuses informations. Récemment, ils y ont découvert une sépulture où les restes d'un humain et ceux d'un renard semblaient réunis pour l'éternité...   

Site de Uyun al-HammamLa découverte
Le  site d'Uyun al-Hammam, en Jordanie, remarquable pour avoir livré les restes d'au moins 11 individus - plus que tous les autres sites de ce type réunis -, est surtout le plus vieux cimetière connu du Moyen-Orient : il date de 16 500 ans environ, s'inscrivant relativement tôt dans l'Épipaléolithique (23 000 à 11 600 ans BP), et antérieur à ceux trouvés jusque-là dans la région, qui remontent au Natoufien (14 500 à 11 600 ans BP). Découvert et étudié depuis 2 000 par Edward Banning, de l'Université de Toronto (Canada), et Lisa Maher, du Centre d'études sur l'évolution de l'Homme à l'Université de Cambridge (Royaume-Uni), il vient de livrer de nouvelles curiosités.

Ce sont plus particulièrement deux tombes, adjacentes, qui ont retenu l'attention des archéologues : elles contenaient des restes humains, bien sûr, des outils de pierre, mais aussi - fait rarissime -  des os de renard roux. Plus surprenant encore, ce sont vraisemblablement les restes d'un seul et même homme et ceux d'un seul et même renard que recelaient les deux sépultures : manifestement, ces dépouilles ont été déplacées, à l'époque, et pour une raison inconnue, d'une tombe vers l'autre, la première contenant notamment le crâne - avec des traces d'ocre rouge - et l'os de la patte antérieure droite de l'animal, la seconde, le reste exact de son squelette.

Tombe 1 et tombe 8 du site de Uyun al-Hammam en Jordanie
Relevé des tombes VIII et I ou les restes d'un homme et d'un renard ont été mis à jour.
Les ossements humains sont indiqués de couleurs rouge et marron. Les ossements du renard sont de couleur jaune... En bleu, l'outillage lithique. A noter, les pointillés rouges délimitent la zone ou l'ocre a été dispersée.

Une hypothèse séduisante
La première des deux tombes recelait, comme la plupart des autres, des objets sans doute destinés à accompagner le défunt (outils de pierre, cuillère en os, restes de cervidés, de gazelles, de bovinés sauvages, ocre...).Or - fait notable - seuls les os de l'homme et ceux du canidé ont fait l'objet de ce « déménagement » post-mortem.
 
« Ce que nous avons trouvé, semble-t-il, c'est un renard qui a été tué et enterré avec son propriétaire. Plus tard, la tombe a été rouverte pour quelque raison et le corps humain a été déplacé. Mais, parce que le lien entre l'homme et le renard avait été important, ce dernier a aussi été déplacé », spécule Lisa Maher. Une tentative avortée de domestication du renard, abandonnée au fil des millénaires au profit du chien, moins timide et espiègle que son cousin roux ? C'est ce qu'imaginent les auteurs.

Edward Banning observe cependant que si l'idée d'un « animal familier » s'inscrit bien dans nos conceptions actuelles des rapports homme-chien, elle n'est qu'une hypothèse parmi d'autres : « Nous devrions nous rappeler que beaucoup de chasseurs-cueilleurs récents considèrent avoir des rapports sociaux avec un large éventail d'animaux sauvages, y compris ceux qu'ils chassent, et que ceci entraîne parfois des façons particulières de traiter les restes d'animaux, ou de représenter les rapports entre un individu particulier et un animal particulier ».

Une complexité sociale ancienne 
Quoi qu'il en soit, de tels cas d'inhumation sont rares, et impliquent surtout des chiens - tel ce site découvert en Israël, où une femme avait été enterrée la main sur un chiot - et remontent à au moins 4 000 ans plus tard.
« Nos découvertes à Uyun Al-hammam montrent que ces pratiques mortuaires humain-animal apparaissent bien plus tôt dans l'Épipaléolithique. Nous décrivons ici le tout premier enterrement d'un renard aux côtés d'un humain au Proche-Orient, où des restes de chiens ont été trouvés associés aux enterrements humains dans un certain nombre de sites Natoufiens. L'analyse de ces os humains et animaux et des artéfacts associés fournit des données critiques sur la nature et la chronologie de ces relations nouvelles entre les humains et les animaux avant la domestication du chien, qui date du Natoufien », écrivent les chercheurs dans un résumé de leur article.   
"Ce site a des implications tant pour notre compréhension du développement de l'idée de la mort que des pratiques funéraires, et pour notre compréhension des débuts de la domestication d'animaux ressemblant au chien", conclut Edward Banning


F. Belnet
Sources : PLoS ONE, Science Daily
Photos : PLoS ONE

Tombe 4 Uyun al-Hammam
Tombe IV sur le site de Uyun al-Hamma. Les ossements n'ont pas été déplacés.


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