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Le mode de locomotion bipède est plus ancien que la séparation de l'homme des autres primates

Classification hiérarchique ascendante à partir des distances généralisées D² calculée sur des mesures de proportion des os des pieds des Primates
Ascending hierarchical classification from generalized D² distances calculated on index of primates’s footbones

Biom. Hum. et Anthropol. 2007, 25, 1-2, p. 0-0. Deloison Y., Classification hiérarchique ascendante…

Y. Deloison et H. Pineau


Résumé
Une classification hiérarchique ascendante à partir des distances généralisées D² calculée sur des mesures de proportion des os des pieds des Primates permet de constater l’éloignement entre Pongo et Homo en ce qui concerne les mesures du membre inférieur et du pied. Les proportions du pied éloignent encore plus l’homme des autres primates que celles du membre inférieur.
Mots clé : classification hiérarchique ascendante, distances généralisées D², membre inférieur, pied

Abstract
Ascending hierarchical classification from generalized D² distances calculated on the proportions of the primate’s footbones let to observe the large distance between Homo and Pongo about the measures of the inferior limb and especially of the foot.
Key words : ascending hierarchical classification, generalized D² distances, lower limb, foot


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Introduction
Dans toute recherche scientifique, quelque soit le domaine que l’on étudie, on se doit de tenir compte des aspects complémentaires que constituent les caractères qualitatifs et quantitatifs.
Les éléments qualitatifs sont ceux qui définissent une spécificité, ils peuvent être vus sur un seul individu pris dans une espèce.
Si l’on analyse ces caractères qualitatifs sur un plus grand nombre de sujets, on obtient des grandeurs mesurables ou paramètres permettant de présenter de façon simplifiée les caractéristiques principales d’un ensemble statistique. Les valeurs de ces paramètres ne tendent plus à définir l’individu mais l’espèce à laquelle il appartient.
Autrement dit, les caractères quantitatifs sont l’expression mathématique des caractères qualitatifs pris sur un échantillon d’individus représentatifs ou comme l’exprime Huber-Carol [1992] « Chacun des individus qui constituent la population étudiée est décrit par un ou plusieurs caractères. Selon que les diverses modalités de ces caractères sont naturellement ordonnées ou non, on dit que le caractère correspondant est quantitatif ou qualitatif. »
Dans cet article nous présentons les distances généralisées qui ont amené à une classification hiérarchique ascendante.

Méthode
Nous avons utilisé le calcul des Distances Généralisées D² dans l’intention de vérifier s’il était possible ou non d’obtenir une classification des Primates à partir des mesures d’indices. Pour illustrer la démarche suivie nous donnons ci-après un exemple de la méthode utilisée à partir des indices suivants :
X = 100 x Longueur du tarse / Longueur du pied
Y = 100 x Longueur du métatarse / Longueur du pied
Ces indices ont été calculés sur 17 genres de Primates se répartissant en :
7 Platyrhiniens
5 Catarhiniens Cercopithecoidea (classification Schultz)
5 Catarhiniens Hominoidea (dont l’Homme)
Dans un premier temps, on peut considérer les nuages de corrélation entre X et Y pour chaque genre de Primate.
Il existe deux façons d’envisager la distance D² entre les moyennes des genres pris deux à deux, selon que l’on utilise comme référence les valeurs d’un groupe ou de l’autre (tableaux 1 et 2).

Distances généralisées entre sapiens et pan - Fémur tibia - Tarse Métatarse

 


Les distances généralisées ou D² ont été calculées à partir de deux indices du membre postérieur :
- Longueur du fémur / Longueur du membre postérieur, ou F/MP
- Longueur du tibia / Longueur du membre postérieur, ou T/MP Image théorique de deux groupes de valeurs
Et à partir de deux indices du pied:
- Longueur du tarse / Longueur du pied, ou ta/P
- Longueur du troisième métatarsien / Longueur du pied, ou Mt3/P

Après les calculs, les résultats ont été comparés, Rappelons que pour calculer la distance entre le point A et le point B, D² (AB), on utilise l'écart-réduit de B, ZAB et le coefficient de corrélation r de B. Réciproquement, pour calculer la distance de B vers A, D² (BA), on procède de la même façon avec l'écart-réduit ZBA et le coefficient de corrélation r de A.
Le schéma ci-contre présente l'image théorique des deux groupes de valeurs dont on veut calculer les D² (Fig.l).



Résultats
Les valeurs des moyennes, des écarts-types et des coefficients de corrélation des indices F/MP ; T/MP et des indices ta/P et Mt3/P sont présentées ci-après dans les tableaux
Les résultats du calcul des D² entre les deux indices du membre postérieur et entre les deux indices du pied figurent aux tableaux l et 2.
Le tableau 4 donne les moyennes M et les écarts-types Ci des D² pour les deux groupes d'indices du membre postérieur et du pied. Les moyennes et les écarts-types sont calculés à partir des D² en fonction des regroupements suivants:
- les 17 genres de primates
- les platyrhiniens
- les catarhiniens cynomorphes
- les pongidés
- les platyrhiniens par rapport aux catarhiniens
- les platyrhiniens par rapport aux pongidés
- les catarhiniens par rapport aux pongidés
- l'homme par rapport aux platyrhiniens
- l'homme par rapport aux catarhiniens
- l'homme par rapport aux pongidés
En considérant le groupe des primates constitué d'une part des platyrhiniens et des catarhiniens cercopithécidés et d'autre part des Hominoidea qui regroupent : hylobatidés, pongidés et hominidés, nous constatons les faits suivants:
En ce qui concerne le membre postérieur (Tab. 4) :
- Nous observons que la valeur la plus faible, 7,25 se trouve chez les Hominoidea, ce qui révèle une relative ressemblance entre les proportions du membre postérieur des espèces constituant ce groupe.
- La valeur la plus forte, 17,61, se présente chez les catarhiniens cercopithécidés et, contrairement au cas précédent, révèle une disparité importante au niveau des proportions de leur membre postérieur.
- Le groupe des platyrhiniens, avec une valeur de 10,15, se situe entre les deux groupes précédents

Quant aux valeurs de Dl obtenues pour les indices du pied, nous constatons une répartition différente des chiffres (Tab. 4) :
- La valeur la plus faible, 4,61, des cercopithécidés, très proche de celle des platyrhiniens, avec 5,00, traduirait, quant aux proportions de leur pied, une certaine homogénéité entre les différents individus qui composent ces deux groupes,
- La forte valeur du D² des Hominoidea, avec 11,62, traduit une disparité à l'intérieur du groupe quant aux proportions de leur pied, Cela s'explique car cette superfamille regroupe des familles aussi différentes que celle des hylobatidés, des pongidés et des hominidés,

La comparaison des Dl des groupes pris deux à deux donne les résultats suivants:
En ce qui concerne les proportions du membre postérieur :
- La valeur la plus faible s'observe dans la comparaison entre les cercopithécidés et les Hominoidea, avec 5,37, La distance assez petite entre ces deux groupes de primates traduit une certaine ressemblance dans les proportions de leur membre postérieur.
- La valeur la plus forte, 13,38, relative à la comparaison des platyrhiniens avec les cercopithécidés traduit les différences existant entre les proportions de leur membre postérieur.
- Le Dl entre les platyrhiniens et les Hominoidea vaut 7,53 ; il s'inscrit entre les deux autres valeurs.

Quant aux proportions du pied:
- Le D² le plus petit apparaît entre les cercopithécidés et les Hominoidea, avec 5,09, Les proportions de leur pied, comme celles de leur membre postérieur, sont plus proches que celles des autres groupes, sans toutefois signifier une très grande ressemblance.
- La plus forte valeur apparaît entre les platyrhiniens et les Hominoidea, avec 13,19, signifiant leur grande différence dans les proportions de leur pied.
- La valeur 8,80 du D² entre platyrhiniens et cercopithécidés s'inscrit entre les deux valeurs observées précédemment.

En comparant l'homme à tous les autres groupes, on constate que : (Tab 4)
- Pour le membre postérieur, la valeur la moins forte existe entre l'homme et les cercopithécidés, mais elle vaut quand même presque 8.
- Les Dl comparant les platyrhiniens avec Homo et les pongidés avec Homo atteignent 11,1 ce qui traduit l'éloignement de l'homme de ces familles quant aux proportions du membre postérieur.
Pour le pied, les proportions montrent l'éloignement encore plus grand entre l'homme et les autres primates.
- La valeur la plus faible, 12,23, relative à Homo par rapport aux cercopithécidés est déjà très forte, mais elle atteint 14,58 entre Homo et les Platyrhiniens, et sa valeur la plus forte est observée entre Homo et les pongidés, avec 16,47.

En résumé, en se référant aux indices F/MP , T/MP , ta/P et Mt3/P, les calculs de D² montrent que les proportions du membre postérieur, éloignent radicalement l'homme des autres genres de primates, particulièrement celles qui concernent le pied.

Distances généralisées 2
Distances généralisées


Homo et Pongo se répartissent de chaque côté de ce nuage; Gorilla se place à l'extrémité de la figure ovale, du côté de ces deux derniers genres.

CLASSIFICATION HIÉRARCHIQUE ASCENDANTE À PARTIR DU CALCUL DES DISTANCES GÉNÉRALISÉES
Ce calcul (Tab. 3) a été effectué afin de tenter de classer les 17 genres de primates, tout d'abord selon les proportions du membre postérieur, et ensuite selon les proportions du pied, ce qu'illustrent les deux figures 3 et 4.

Classification hiérarchique ascendante

A l'observation de ces classifications, la première remarque concerne la similitude d'ordre dans lequel se placent les différents genres; seules changent les valeurs des distances et des angles.
Dans ces deux figures, ainsi que nous l'avons déjà signalé, Homo et Pongo se situent toujours à des pôles opposés.
Plus que dans la classification faite à partir du membre postérieur, c'est dans celle faite à partir des indices du pied que l'homme s'éloigne le plus du Gorille.
La classification hiérarchique ascendante des primates simiens met en évidence l'opposition entre les deux genres représentés par Homo et Pongo. Tous deux possèdent un pied très spécialisé; l'orang-outan pour une locomotion strictement arboricole et l'homme pour une locomotion strictement bipède terrestre.
Entre ces deux genres énoncés s'étalent tous les autres genres.
Leur disposition hiérarchique sur l'arbre nous montre que les genres les plus proches de Pongo et d'Homo appartiennent également à la famille des Hominoidea: Gorilla et Pan étant voisins d'Homo.
Quant aux platyrhiniens et aux cercopithécidés, ils ne se situent pas sur l'arbre hiérarchique de façon regroupée, mais de façon mélangée.
Si l'on admet comme hypothèse que les êtres les plus spécialisées sont les plus éloignées de la forme primitive, on peut inverser la proposition pour admettre que les pieds les moins spécialisés sont ceux qui se rapprochent le plus de la structure du primate primitif. Or, compte tenu des résultats obtenus dans cette recherche, ce serait le rôle que tiendraient ici les cercopithécidés.

Conclusion
En résumé, l'idée à retenir de ce travail est que, quels que soient les moyens utilisés: étude d'indices, distances généralisées D², analyse en composantes principales, Classification Hiérarchique Ascendante, les seules proportions du membre postérieur, et particulièrement celles du pied, suffisent à elles seules à isoler le genre Homo de tous les autres genres de primates.
Cette observation confirme, s'il en était encore besoin, l'importance de la formation du pied qui constitue un des principaux caractères de l'hominisation.
Quand on sait que le pied a sa forme définitive chez l'embryon humain avant son 60e jour après la fécondation et qu'à 49 jours il possède déjà les futures courbures rachidiennes (communication du Pr Vincent Delmas au l3e colloque de la Société de Biométrie Humaine le 15 novembre 2006), il est évident que la séparation de l'homme des autres primates remonte très loin dans le temps et que ce mode de locomotion bipède est plus ancien encore.

Ce travail est supporté par le Centre National de la Recherche Scientifique. Nos remerciements vont à Danièle Fouchier et Sylvie Collot pour la présentation de ce travail.

Bibliographie

PINEAU H. (1973) - Place et interprétation des mesures individuelles dans l'étude des populations. Corrélations statistiques et organiques, distances généralisées ~ fonctions dicriminantes et la réalité biologique, Bull. et Mém. de la Soc. d'Anthrop. de Paris, t.10, série XIII, pp. 421-477

PENROSE L. S. (1954) - Distance, size and shape, Ann. Eugcnics. 18, pp. 337-343

THOMSON G. H. (1960) - L'analyse factorielle des aptitudes humaines, Trad. D'après la 3" éd. Angl. par P. Naville, Paris, P.U.F., 421 p.

Yvette Deloison, Chargé de Recherche au CNRS, UPR 2147, 44 rue de l'Amiral-Mouchez 75014 Paris.

Article reçu le 14.01.2007, accepté le 25.06.2007


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Mise en ligne le 11 novembre 2007