www.Hominides.com
Contacts

Dossiers > Femme de la préhistoire

La femme dans la préhistoire - Eves et rêves - Communiqué

La femme dans la préhistoire
Jean Gagnepain
(Directeur du Musée de la préhistoire de Quinson)
Texte communiqué à l'occasion de l'exposition Eves et rêves au Musée de Quinson.
Sur Hominidés
- Le dossier consacré à la femme préhistorique
 
- Les Vénus préhistoriques
 
- Les femmes, artistes de l'art pariétal
 
- Les sépultures
 
- La Ferrassie
 
- Représentations de la femme et du sexe féminin dans l'art pariétal.
 
- Exposition Eves et rêves - La préhistoire au féminin
 
 
 
 
 

Affiche de l'exposition Eves et rêvesNotre imaginaire se plaît souvent à envisager les sociétés préhistoriques en y projetant l'ensemble de nos préjugés et stéréotypes issus des périodes protohistoriques et historiques. C'est ainsi que de grands chasseurs affrontent des animaux formidables et dangereux avec comme seuls arguments des armes dérisoires et leur courage, pendant que des femmes enceintes les attendent dans la grotte avec les enfants, vaquant, forcément, à des tâches domestiques. Et si la réalité était différente ? Qu'en savons-nous réellement ?

L'observation des sociétés dites primitives actuelles ou sub-actuelles, nous indique un schéma parfois très différent, puisque la femme occupe souvent une place prépondérante dans ces sociétés, avec une influence qui va en général bien au-delà des simples rôles éducatifs et domestiques. Sans parler des sociétés matriarcales, même si elles demeurent une forme de structuration sociale assez rare et très hypothétique en archéologie.

Si l'on plonge dans la préhistoire la plus ancienne, on constate, même si cela relève plus du domaine de l'anecdote, que « l'homme préhistorique » le plus célèbre est ... une femme ! Lucy, petite australopithèque qui parcourait la savane de l'est africain il y a plus de 3 millions d'années. Sur un plan anthropologique, quand cela est possible, les chercheurs tentent d'attribuer un sexe aux fossiles. Pour ce faire, ils se basent sur la gracilité/robustesse du squelette et parfois, quand il est conservé, sur la structure du bassin. Hélas ce sont les seules données dont nous disposons et à partir de ces quelques restes humains, il est impossible de tirer des conclusions sur le rôle de la femme dans ces sociétés anciennes et archaïques. Chez les australopithèques le dimorphisme sexuel est encore fort et net, indiquant une organisation sociale proche de celle des grands singes, avec vraisemblablement un mâle dominant et une grande importance donnée à la force physique.

Plus près de nous, certains sites ont livré de nombreux restes humains. C'est le cas de la Caune de l'Arago dans les Pyrénées-Orientales (vers 450 000 ans) et de la Sima de los Huesos à Atapuerca en Espagne (vers 350 000 ans). S'il est souvent possible dans ces sites d'attribuer les squelettes à un sexe ou l'autre, il est impossible d'en tirer des conclusions significatives sur un plan d'organisation sociale. On peut en revanche constater que le dimorphisme sexuel s'est beaucoup atténué, signe indirect d'une évolution sociale, marquée vraisemblablement par une importance moindre donnée à la force physique individuelle et une complexification de la structure familiale/clanique et sociale. On sait également que la chasse (action collective) est prouvée à partir de ces dates autour de 400 000 ans, qui voient aussi la domestication du feu, le développement de la technique Levallois pour la taille de la pierre, le passage de la capacité crânienne moyenne des Hommes au-dessus de la barre de 1 000 cm3, ..., ensemble d'indices de progrès significatifs sur des plans très variés (intellectuel, social, économique et technique).

Chez l'homme de Neandertal (125 000 – 35 000 ans environ), les remarques du paragraphe précédent restent vraies. Certains sites ont livré de nombreux restes bien conservés (Krapina en Croatie, La Ferrassie en Dordogne, par exemple). On sait que les néandertaliens subissaient une mortalité infantile élevée, pratiquaient (mais pas systématiquement) le cannibalisme et l'inhumation des défunts, faisant preuve, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, d'un indiscutable sentiment métaphysique ou religieux. A la Ferrassie, les individus retrouvés dans les sépultures appartiennent à des hommes, des femmes, des enfants de tous âges. Ce traitement post-mortem, qui semble encore particulier et réservé à certains, ne concerne pas un sexe en particulier, ou une catégorie d'âge. Là aussi, ce constat joue en faveur d'une société relativement évoluée. Il n'est pas possible actuellement de tirer de conclusions sur ce plan quant au cannibalisme.

C'est avec l'homme de Cro-Magnon que l'on a enfin des images de l'homme et de la femme préhistorique, grâce à l'invention de l'art figuratif dès 40 000 ans environ. De ces manifestations artistiques il ressort la place importante dévolue à la femme dans les sociétés du Paléolithique supérieur. Les symboles sexuels sont bien présents, notamment féminins : silhouettes, vulves, triangles pubiens, dessinés, gravés, sculptés. Mais l'élément le plus marquant et le plus émouvant de l'art paléolithique est représenté par les célèbres vénus, que l'on trouve surtout au Gravettien (env. 29 000 – 19 000 ans). Ce sont généralement des femmes enceintes, vénus opulentes, aux formes généreuses (vénus stéatopyges) à l'origine du supposé culte de la « déesse-mère » pratiqué par les Gravettiens et leurs descendants. Plusieurs points peuvent être soulignés : la grande extension de ces représentations, de l'Atlantique jusqu'au lac Baïkal ; la grande homogénéité de ces représentations et des codes utilisés, quels que soient les matériaux travaillés : le visage n'est jamais représenté (au mieux partiellement à Brassempouy), ni les pieds, l'accent étant toujours mis sur le Venus de Lausselsexe, les fesses, le ventre et la poitrine. La forme générale s'inscrit le plus souvent dans un losange. En évoluant dans le temps, cesvénus deviennent stylisées, plus schématiques, et parfois seule la stéatopygie est marquée (vénus de Monruz en Suisse par exemple).

La plupart des vénus sont sculptées en statuettes, mais certaines sont gravées (Cussac) ou sculptées en bas-relief comme à Laussel (Dordogne) ou au Roc-aux-Sorciers (Vienne).

Avec le Néolithique, qui survient entre 10 000 et 5 000 ans selon les régions d'Europe et de Méditerranée, se produit le bouleversement socio-économique majeur de l'Histoire de l'Humanité. Les sociétés humaines abandonnent la prédation en usage depuis plus de 2,5 millions d'années, pour devenir productrices de leur nourriture. Le rôle de la femme y est mieux connu, par la grande abondance des représentations humaines dans un art qui devient systématique et planétaire, par de nombreux témoignages archéologiques mieux conservés que précédemment, par le fait que beaucoup de populations ont vécu « au Néolithique » jusqu'à des périodes récentes de notre histoire (parfois jusqu'au 20ème siècle). Et l'on s'aperçoit que les femmes participent à pratiquement toutes les activités des groupes : agriculture, élevage, artisanat, éducation etc. La femme est aussi omniprésente dans l'art, et donc dans la vie spirituelle des sociétés néolithiques, amenant même de nombreux chercheurs à émettre l'hypothèse de sociétés matriarcales.

C'est avec la généralisation du métal, que les sociétés deviennent franchement hiérarchisées et inégalitaires, guerrières et redonnent une importance primordiale à la force, individuelle et/ou collective, physique, militaire et donc économique et politique. Il semble qu'à partir de l'Age du Bronze européen, la femme perde son rôle important, voire central, dans la société, pour être reléguée pour de longs siècles à un rôle secondaire et subalterne, totalement écartée du pouvoir économique et politique, uniquement concernée par les tâches domestiques et éducatives.

Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du 20ème siècle que le pouvoir exclusif des hommes sera profondément remis en question dans les sociétés dites occidentales. La grande instabilité idéologique que nous vivons actuellement peut remettre en cause bien des acquis et avancées, ce qui doit tous nous obliger à une constante vigilance pour ne pas retourner au stade initial de l'australopithèque.

Jean Gagnepain

Exposition Eves et Rêves - La préhistoire au féminin - Musée de Préhistoire des gorges du Verdon - Quinson

Information communiquée par Michèle Aquaron


     
A lire aussi    
(choix Hominidés.com)    
  La femme des origines
Claudine Cohen
Masculin Féminin II
Francoise Héritier


Femme des origines

Abondamment illustré, cet ouvrage fait le point sur nos connaissances de la femme dans la préhistoire.
Une vraie référence sur le sujet.
Ados et adultes.



Plus généraliste sur les rapports homme-femme, ce livre traite de manière plus sociologique de notre vision des différences sexuelles.
Pour adutes avertis.


Utilisation des textes du site :
En dehors du cadre personnel, vous devez impérativement soumettre à la rédaction d'Hominides.com une demande d'utilisation des textes et/ou schémas figurant sur le site, en précisant vos motivations.
Particulièrement, la reprise d'articles, de dossiers ou de schémas, pour une publication sur internet doit obligatoirement faire l'objet d'une demande d'autorisation préalable (contactez la rédaction).
 "Faire un simple copier-coller du travail d'un autre pour enrichir son propre site n'est ni valorisant, ni intéressant pour les internautes".

 
 
30/01/05