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L’aventure de l’espèce humaine
De la génétique des populations à l’évolution culturelle
Luca Cavalli-Sforza
Editions Odile Jacobs
Le secret de la domination humaine sur les autres espèces est à rechercher dans l'évolution et le fonctionnement de l'espèce humaine selon l'auteur. La génétique des populations et la transformation de la culture, en particulier des familles de langues, valident une lecture généticienne de l'espèce humaine.
Présentation de l’éditeur
Dès son apparition et au fil du temps, l’homme a été capable de s’adapter, au point de pouvoir règner sans conteste sur la planète grâce à la domination qu’il a exercée sur les autres espèces, puis sur la nature et, pour finir, sur lui-même.
Pour comprendre les grandes lignes de son histoire, Luca Cavalli-Sforza présente les principaux acquis de la science quant à l’évolution des espèces, aux gènes, aux chromosomes et à l’ADN. Car le secret de cette domination est à chercher dans l’évolution et le fonctionnement de l’espèce humaine : l’évolution naturelle, qui passe par la mutation, la migration, la sélection et le drift, permet la distinction d’avec les espèces dont sont issus les chimpanzés actuels jusqu’à l’évolution vers Homo sapiens sapiens, espèce forte, mais surtout, espèce intelligente et capable de poursuivre son évolution.
Autant qu’un livre de sciences d’une remarquable clarté, un livre d’histoire des sciences, voire d’histoire de l’espèce humaine.
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Collection: Sciences • O. Jacob
157 pages
Parution : 2011
L’auteur Luigi Luca Cavalli-Sforza
Luigi Luca Cavalli-Sforza est un chercheur, spécialiste de la génétique des populations, italo-américain. Il est professeur émérite à l’université de Stanford, en Californie, et dirige un programme international de recherche sur la diversité du génome humain. Il a dans le passé, conduit plusieurs études sur les Pygmées d’Afrique Centrale. Il est considéré comme l’inventeur de la géographie génétique.
Sommaire de L’aventure de l’espèce humaine
La lutte contre un vieux préjugé
L’hérédité expliquée inutilement aux gens distraits et présomptueux
Les gènes
La substance centrale de la vie
Les quatre piliers de l’évolution
L’évolution humaine
Une espèce tyrannique : l’homme
Archéologie et génétique
Évolution de la culture et du langage
L’arbre des langues
Un extrait de « L’aventure de l’espèce humaine »
Nos lointains ancêtres
Pour trouver le plus récent ancêtre commun à l’homme et à son cousin le plus proche, le chimpanzé, il faut remonter très loin en arrière, au moins 6 millions d’années ; pour rencontrer une branche évolutive qui nous conduise à un parent un peu plus éloigné, le gorille, on remonte à 8 millions d’années ; et, avec l’orang-outan, on arrive à 13 millions d’années.
Dans sa longue histoire, qui date de 5 milliards d’années, notre planète a été secouée par des crises répétées dues à l’arrivée de météorites de l’espace, dont certaines ont entraîné des situations extrêmement dangereuses, perçant la croûte terrestre, qui est relativement fine, et ouvrant une brèche permettant la sortie de la matière incandescente qui se trouve dans le noyau. Ainsi se créèrent des volcans qui entraînèrent une profonde altération du climat et de la forme de la Terre,
La dernière crise, très violente, a eu lieu il y a environ 63 millions d’années, quand une météorite est allée se planter sur notre planète. Des études récentes font supposer que l’impact s’est produit dans le golfe du Mexique, parce qu’on a découvert un énorme cratère près du Yucatan. L’éruption couvrit le monde d’une couche d’iridium – un métal très rare sur notre planète, mais très répandu dans les astéroïdes – que l’on trouve encore et qui nous donne des indications précises concernant les couches géologiques qui, invariablement, correspondent à une période reculée de 62-63 millions d’années. Sans cet événement dramatique il est probable que notre espèce n’aurait jamais fait son apparition sur la Terre.
Suite à la crise, presque tous les dinosaures périrent, probablement parce que les bouleversements géologiques avaient fait disparaître les aliments dont ils se nourrissaient. Dans le cas des dinosaures herbivores, selon une recherche publiée par Science, les énormes incendies causés par la chaleur des éruptions auraient provoqué une augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, empêchant la croissance des végétaux, tandis que, dans le cas des dinosaures carnivores, la lave aurait tué une grande partie des petits animaux, ce qui empêcha les dinosaures de trouver la grande quantité de nourriture dont ils avaient besoin. L’extinction des dinosaures carnivores facilita le développement de leurs proies les plus communes, les mammifères, dont les dimensions commencèrent à leur tour à augmenter, jusqu’à égaler celles des dinosaures, comme c’est le cas des éléphants, ou même à les dépasser, comme le font certaines baleines,
La séparation du chimpanzé, qui mènera à notre espèce, eut lieu – comme presque tout, d’ailleurs, jusqu’à récemment – en Afrique centrale. C’est là que l’homme descendit des arbres et commença à marcher sur deux pattes. Cela libéra ses mains et lui permit de construire des instruments de bois, de pierre et d’os rudimentaires, qui, il y a 2 millions d’années, étaient déjà autrement plus compliqués. Le premier ancêtre considéré comme appartenant au genre Homo vivait il y a peut-être 2,5 millions d’années ; en raison de sa capacité de construire des outils, il est appelé Homo habilis,
L’histoire de notre évolution est riche d’espèces appartenant aussi bien au genre Homo qu’au genre précédent, Australopithecus, auquel appartient la fameuse Lucy, la femme d’il y a environ 3,2 millions d’années. Beaucoup de ces hominidés se sont succédé et parfois même superposés, ce qui rend inexacte la figure la plus simple de l’arbre de l’évolution et nous pousse à développer des techniques plus complexes, qui tiennent compte des croisements entre les branches. Cette recherche est aujourd’hui encore très active. En même temps qu’Homo habilis, on trouvait aussi, en Afrique, Homo rudolfensis, Homo ergaster et certaines espèces d’australopithèques. On a découvert très récemment deux squelettes d’hominidés datant d’entre 1,8 et 2 millions d’années dans les cavernes de Malapa, sur le site de Sterkfontein, en Afrique du Sud : ils pourraient apporter une contribution nouvelle à la reconstruction de l’évolution humaine. Il s’agit du squelette d’un enfant et d’une femme, presque complets et bien conservés, qui semblent placés à un niveau de l’évolution situé entre l’australopithèque et le premier habilis dont des ossements sont en partie conservés. Les découvreurs leur ont attribué le statut d’espèce et les ont appelés Australopithecus sediba, du mot qui signifie « source» ou «puits» en sotho.
Ce qui semble désormais certain, c’est que, il y a 2 millions d’années, est apparu Homo erectus, une espèce d’hominidé aujourd’hui éteinte appartenant au genre Homo, qui commença à occuper l’Ancien Monde. Homo erectus avait de bons instruments, caractérisés par une grande variété et une forte spécialisation, et son cerveau faisait le double de ses cousins, les grands singes. A cette époque, à l’usage des outils de pierre s’ajouta une autre innovation, fondamentale, qui représenta un pas en avant dans le chemin de l’évolution : la découverte du feu, qui semble pouvoir être datée d’il y a 1,7 million d’années. Le feu permettait de cuire les aliments, les rendant ainsi beaucoup plus sains – on mangeait alors la charogne d’un éléphant mort depuis deux mois -, et apportait une protection contre les bêtes sauvages pendant la nuit. Plus important pour notre propos, il permettait de supporter des climats plus froids (même s’il est vrai qu’en Afrique centrale aussi, où résidait Homo erectus avant son expansion, la nuit peut être froide). C’est alors qu’eut lieu l’expansion d’Homo erectus : d’Afrique, il arriva en Europe et en Asie, colonisant chaque partie du globe qui était directement reliée par la terre. Ces colonies ne maintinrent pas le contact avec les groupes d’origine, à cause de la faible densité de population. Avec le temps, des espèces complètement différentes se développèrent. Dans la partie occidentale du monde, selon certains anthropologues, Homo erectus s’est transformé il y a environ 1 million d’années en une autre espèce, Homo ergaster.
Le fossile européen le plus ancien est une mandibule retrouvée à Heidelberg, en Allemagne, qui semble remonter à 650 000 ans ; c’est pourquoi l’on parle d’Homo heidelbergensis. Dans le milieu froid et inhospitalier de l’Europe du Nord se développa une nouvelle espèce, bien adaptée au climat : l’Homo neanderthalensis, On a aussi un exemple d’espèce dans l’île indonésienne de Flores : l’Homo floresiensis, qui vécut jusqu’à il y a 13 000 ans, et qui mesurait un mètre de haut. Il y en a certainement d’autres qui ne nous sont pas connues, parce que ce genre de trouvailles n’est pas facile à faire…