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Homo luzonensis, une nouvelle espèce humaine aux Philippines
Homo luzonensis, une nouvelle espèce humaine aux Philippines.
Un nouvel arrivant dans la lignée humaine dont la place n’est pas encore définie mais qui appartient au genre Homo.
Sur l’ile de Luzon
La grotte de Callao se situe sur l’île de Luzon, la plus grande de l’archipel des Philippines. Les premières découvertes dans la cavité ont été faites en 2007 : un métatarse (os du pied) qui était alors attribué à Homo sapiens et daté de 67 000 ans. Cette appartenance à notre espèce est une mauvaise interprétation basée sur un seul os.
L’île de Luzon n’a pas été reliée au continent depuis 2,5 millions d’années (pendant tout le Quaternaire). Cet isolement a permis le développement d’une faune et d’une flore qui sont propres à l’île (endémiques). Mais une question se pose : comment ces premiers hominidés sont arrivés jusque là ?!
Homo luzonensis, premiers éléments de l’étude
Les fouilles à Luzon ont continué en 2009, 2011 et 2015. De nouveaux restes fossiles ont ainsi été exhumés par une équipe française sous la direction de Florent Détroit (Museum national d’histoire naturelle de Paris). Au total, sept dents, deux phalanges de main, deux de pieds et le métatarse, et un fémur ont fait l’objet d’une étude publiée le 11 avril 2019 dans la revue Nature.
Tous ces ossements appartiennent à 3 individus, deux adultes et un enfant. La petitesse des dents laisse penser que les Homo luzonensis étaient de petite taille, mais comme le fait remarquer Florent Détroit « il y a des exceptions chez certains de nos ancêtres… l’Homo habilis avait de très grosses dents et il était très petit… »
Par rapport aux autres hominidés, Homo luzonensis semble avoir emprunté des éléments à plusieurs espèces. Les analyses comparatives (grâce à l’imagerie et la morphométrie 3D), montrent que cette nouvelle espèce présente à la fois des éléments ou caractères très primitifs (de type australopithèques), et en même temps très modernes, semblables à notre propre espèce Homo sapiens.
Les dents, par exemple, sont proches de celles du genre Australopithecus : les prémolaires ont 2 ou 3 racines, contrairement à Homo sapiens qui limite le nombre à 2. La morphologie de l’émail et de la dentine sont, elles, plus proches d’Homo habilis et Homo erectus ou des australopithèques… C’est un vrai mélange de caractères qui n’existe dans aucune espèce d’hominidé identifiée à ce jour !
Les os des pieds présentent des caractéristiques étonnantes, comme une courbure très marquée des phalanges et des traces importantes d’insertions musculaires (pour la flexion du pied). Cela peut montrer une aptitude à l’arboricolisme mais également une pratique régulière de la bipédie ! A noter, ces caractéristiques sont connues chez les australopithèques africains ( 2-3 millions d’années).
« De là à dire qu’ils sont retournés vivre dans les arbres, il y a un pas que l’on ne franchit pas complètement, mais il y a quelque chose de vraiment très très surprenant dans cette découverte également. » explique Florent Détroit.
Un puzzle de différentes espèces…
Avec autant de caractères différents, il était logique de créer une nouvelle espèce. Lors de la présentation officielle de l’étude, les spécialistes ont indiqué « Homo luzonensis (…) représente vraisemblablement une espèce du genre Homo ayant évolué sous les effets de l’endémisme insulaire, un peu à la manière d’Homo floresiensis sur l’île de Flores en Indonésie. L’endémisme insulaire pourrait notamment être l’une des explications possibles pour la « réapparition » de caractéristiques primitives ».
Il reste maintenant aux paléoanthropologues d’essayer de retrouver les origines de Luzensis chez les australopithèques et les Homo erectus asiatiques, mais aussi des éventuels liens avec d’autres hominidés présents dans la « région », comme Homo floresiensis, l’Homme de Denisova et même Homo sapiens (dont la présence est attestée dans l’archipel il y a 30 000 à 40 000 ans).
Toutes les recherches sur le matériel génétique sont infructueuses du fait du taux d’humidité et de la chaleur qui sont incompatibles avec une bonne conservation de l’ADN.
Le professeur Chris Stringer (Natural History Museum de Londres), a commenté: « Après la publication concernant le remarquable Homo floresiensis en 2004, j’avais dit que ce type d’évolution humaine pouvait s’être reproduit sur de nombreuses autres îles de la région.«
Et tout cela ne nous dit pas comment Homo luzonensis ou ses ancêtres sont arrivés sur l’île, isolée depuis 2,5 millions d’années…
C.R.
Sources