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Femmes de la préhistoire
Une nouvelle image des femmes de la préhistoire ? Claudine Cohen
Une pré-histoire des femmes est-elle possible ? Depuis plusieurs décennies, de nouveaux questionnements, appuyés sur une critique des idées reçues et des stéréotypes, ont renouvelé la vision de la femme dans le cadre des sociétés et des cultures de la préhistoire.?
Présentation par l’éditeur :
Chercher les femmes, au-delà des idées reçues et des stéréotypes échevelés qui ont régné des décennies durant : tel est le propos de ce livre. Aujourd’hui, de nouvelles découvertes et de nouveaux questionnements rendent enfin visibles ces femmes qui vécurent aux temps lointains de la Préhistoire, de l’aube du Paléolithique jusqu’aux confins de l’âge du fer.
Que savons-nous des transformations évolutives de leurs corps et de leur apparence ? Quelles images les Préhistoriques nous en ont-ils laissées ? Comment penser le rôle de ces femmes dans la reproduction et la famille ? Quelles preuves pouvons-nous avoir de leurs tâches quotidiennes, de leurs réalisations techniques, de leurs talents artistiques ? De quels savoirs, de quels pouvoirs disposaient-elles ? Revenant sur les figures magnifiées et mythiques de la matriarche ou de la Déesse, Claudine Cohen s’interroge aussi sur les rapports de domination, de violence, d’exploitation que les femmes ont pu endurer dans ces sociétés du passé.En éclairant sous un angle neuf la vie matérielle, familiale, sociale, religieuse des mondes de la Préhistoire, cet ouvrage vise à ancrer la réflexion actuelle sur la différence des sexes et le statut social des femmes jusque dans la profondeur des millénaires.
commune dont nous sommes les héritiers.
Et si l’âge de glace était aussi l’âge de la femme ?
Editions Belin
264 pages
15 x 22 cm
Les auteurs
Claudine Cohen est Directrice d’études à l’EHESS et à l’EPHE, où elle enseigne l’histoire et la philosophie des sciences. Elle a publié de nombreux ouvrages sur la paléontologie, la préhistoire et l’évolution humaine, parmi lesquels Le Destin du mammouth (2004, Un néandertalien dans le métro (2007) ), La méthode de Zadig (2011) et La Femme des Origines, Images de la femme dans la préhistoire occidentale (réed. 2013), couronné par l’Académie des Beaux-Arts et par l’Académie des Sciences morales et politiques
Sommaire de « Femmes de la Préhistoire »
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
Apparition de la femme
Lucy, « la femme verticale» Reconnaître le dimorphisme sexuel Sépultures
Images de la femme préhistorique: romans, films et fictions
CHAPITRE II
L’aube de la représentation féminine l’image, le corps, le sexe
La Vénus à la corne
L’image, le désir
Origine de l’image féminine Réalisme
Féminin/masculin, les anamorphoses du sexe
CHAPITRE III
La reproduction, la famille
Kostienki I
La perte des signes de l’œstrus et l’origine du plaisir
Liens de sang et origine du symbole
La sélection sexuelle et l’origine de la beauté
L’enfant inachevé et l’origine de la famille
La révolution des grands-mères
Production, reproduction
CHAPITRE IV
Travaux de femmes
Ohalo II
L’homme, la femme, la chasse et la cueillette: scénarios et contre-scénarios
« Femmes au foyer»?
Techniques au féminin
Femmes, plantes et fibres
Femmes artistes?
La musique et la danse
CHAPITRE V
Savoirs et pouvoirs
Les statues menhirs : sexe et pouvoir
Le matriarcat et les mythes du pouvoir féminin Pouvoirs et savoirs de la reproduction
Plantes, savoirs et pouvoirs:
les femmes et l’invention de l’agriculture Fécondité de la terre, divinité des femmes ‘) Figures de la Déesse
Signification des idoles néolithiques Pouvoir et richesse
CHAPITRE VI
Violence, hiérarchies, domination
La Femme blessée
Violence et nature humaine
« Histoire du mariage» et violence masculine
Marques de violence
Hiérarchie et valeurs
Violence directe et violence structurelle
Violence et « désir mimétique»
De la Préhistoire au présent
Notes
Crédits photographiques Remerciements
Index
Bibliographie
Un extrait du livre « Femmes de la préhistoire«
La domestication du feu constitua, il y a quelque 500 000 ans, un événement majeur dans l’histoire de l’humanité. Le feu a de multiples avantages : il permet de résister aux hivers rigoureux des temps glaciaires; il rend possible la cuisson de la viande, d’où les Hommes retirent nombre d’avantages énergétiques et métaboliques. Les aliments deviennent plus digestes, et l’énergie mobilisée jusque-là pour la digestion des chairs crues devient utilisable pour le développement cérébral».
La dualité du cru et cuit est un des pivots de l’organisation symbolique des cultures. La cuisson améliore le goût, rend la chair des viandes et des poissons moins grasse, les tubercules et les fruits plus tendres, tandis que les aliments gardent toutes leurs valeurs nutritives. Elle peut être appliquée à tous les aliments. Le feu permet de griller, rôtir, bouillir. La préparation du « bouillon gras» telle qu’on la connaît à l’époque historique, était déjà en usage au Paléolithique supérieur. Dans des trous dont les parois sont revêtues de peaux et remplis d’eau, on trempe des galets rougis au feu et des os dont l’extrémité est riche en moelle. De tels galets, rougis et éclatés, ont été retrouvés dans plusieurs sites magdaléniens: à Pataud, au bord de la Vézère, à Gönnersdorf, en Rhénanie. Le pot-au-feu ainsi obtenu peut être consommé tel quel, il permet aussi de recueillir une graisse pure et blanche, que l’on peut conserver et mélanger plus tard à d’autres aliments. Le feu permet aussi de fumer la nourriture. Des fours organisés pour le fumage des aliments sont connus déjà chez l’Homme de Néandertal. Suspendus ou déposés au-dessus des foyers, les aliments sont desséchés par la chaleur ou imprégnés par la fumée qui s’en dégage, et parfumés selon les essences du bois brûlé. Ils peuvent être conservés en perdant leur volume et sans perdre leurs propriétés ni leurs qualités nutritives.
Quel fut le rôle des femmes dans ces pratiques culinaires? On peut se méfier des poncifs qui relèguent la femme aux fourneaux. Cependant, si elles furent expertes dans l’art de sélectionner les graines, les baies, les plantes et les herbes, elles purent certainement participer à la préparation des repas. La cuisine ne commence-t-elle pas avec la cueillette et la sélection des plantes les plus savoureuses et avec l’art d’accommoder les aliments à l’aide d’épices appropriées? La part des plantes, des tubercules, des légumes, fruits, noix et herbes, dans les repas devait varier en fonction des saisons et du climat. Nous savons peu de choses des ustensiles, des menus, de la préparation des mets et des recettes, des épices. Mais nous pouvons soupçonner que ceux qui ont peint les flamboyantes fresques de Lascaux et de la grotte Chauvet , étaient loin d’être ces «sauvages» faméliques et misérables, errant sur la terre à la recherche d’une maigre pitance que l’on se plaît parfois à représenter. Leurs squelettes et leurs dentitions ne montrent pas de graves carences; ils avaient une alimentation riche et équilibrée, et les femmes durent apporter une part essentielle à la subsistance et à la préparation des repas, au développement du goût, des assaisonnements, des préparations, contribuant ainsi, des millénaires durant, non seulement à la survie du groupe mais aussi au développement de la civilisation.
Cependant, dans les sociétés actuelles de chasseurs cueilleurs, comme c’était sans doute le cas dans les groupes préhistoriques, les activités productrices des femmes sont loin de se limiter à l’espace du «foyer». Elles se déplacent sur de longues distances, tout en portant leurs enfants. Les activités de cueillette – souvent négligées ou sous-estimées par les ethnologues ou les archéologues mâles – les obligent à parcourir de vastes territoires. En outre, l’espacement voulu des naissances n’oblige pas à une immobilisation constante auprès de nourrissons. La division sexuelle du travail dans ces sociétés ne peut être justifiée par une sédentarité nécessaire des femmes.
Qui plus est, les femmes ne sont pas toujours exclues de la chasse, elles y participent de maintes façons : chasse au petit gibier en Australie (elles déterrent le bandicoot à l’aide d’un bâton à fouir, ou l’opossum en l’enfumant), mais aussi au gros gibier, souvent pour le rabattre, tandis que l’homme reste immobile, à l’affût. « Partout dans le· monde, chez les Indiens d’Amérique du Nord comme chez les Aborigènes d’Australie ou chez les Pygmées, les femmes participent aux chasses collectives qu’au titre de rabatteur, s’intégrant donc au groupe le plus mobile»: intéressante inversion des rôles classiquement attribués aux femmes, celles-ci étant alors plus mobiles que les hommes. Si elles ne mettent pas à mort, les femmes peuvent jouer un rôle à toutes les étapes de la chasse – déchiffrer des traces du gibier, le poursuivre, le rabattre. Elles se chargent aussi de ramasser des animaux tués au piège. Un autre type d’activité de subsistance souvent dévolu aux femmes est la récolte d’insectes, de larves, d’escargots ou de coquillages sur les bords de rivières ou au bord de la mer. Ce ramassage constitue un apport important en protéines animales. ..