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Mi-homme mi-bête
Mi-homme mi-bête
Petite phénoménologie des théranthopes, des Paléolithiques aux Egyptiens
Philippe Grosos
Les édition du cerf
Université de Poitiers
Présentation par l’éditeur :
Sphinx, centaures, sirènes… Aujourd’hui, les théranthropes, ces créatures mêlant traits humains et animaux, ne sont plus guère que des figures mythologiques. Mais pendant près de 50 000 ans, ils ont constitué un miroir tendu à l’homme pour comprendre sa place dans le monde. Rares au Paléolithique, ils prolifèrent dès le Néolithique, devenant centraux dans de nombreuses cultures. Pourquoi ce basculement fascinant ? Et si ces êtres chimériques détenaient finalement la clé de notre propre humanité ? Dans cet ouvrage superbement illustré, Philippe Grosos nous plonge au coeur d’une transformation historique majeure, analysant en philosophe l’étrange destinée de ces figures hybrides depuis les prémices de l’art figuratif jusqu’aux débuts de l’Antiquité. Il révèle comment les sociétés néolithiques ont progressivement placé l’humain au centre de leurs préoccupations tout en interrogeant nos origines, notre singularité et nos limites. Une exploration anthropologique captivante qui bouscule nos certitudes et nous invite à repenser ce qui nous définit.
editions du cerf
13,4 x 21 cm
252 pages
Hominides.com
Dans Mi-homme mi-bête, l’auteur propose une description et une réflexion philosophique des figures de théranthropes, souvent associées au registre du mythe. L’auteur les place ici au cœur des grandes transformations culturelles de l’humanité… En retraçant près de 50 000 ans d’histoire des représentations mi-humaines mi-animales, depuis l’Indonésie jusqu’à l’Europe, l’ouvrage montre avec finesse que ces figures ne relèvent pas de l’imaginaire gratuit, mais constituent un outil par lequel l’homme pense sa place parmi les autres vivants. La démonstration repose sur un constat étonnant : la rareté des théranthropes au Paléolithique contraste fortement avec leur multiplication à partir du Néolithique, jusqu’à leur rôle central dans certaines cultures des âges des métaux, notamment en Égypte ancienne.
L’intérêt majeur du livre réside dans l’hypothèse d’interprétation avancée pour expliquer cette accélération. L’auteur relie l’essor de ces figures hybrides à la profonde mutation des rapports entre humains, animaux et environnement induite par la néolithisation. Le passage d’un mode de vie de chasseurs-cueilleurs semi-nomades à celui d’agro-pasteurs sédentaires ne transforme pas seulement les économies et les territoires : il engage deux conceptions du monde radicalement différentes.
En confrontant ces deux logiques, Mi-homme mi-bête invite le lecteur à repenser les figures hybrides non comme des survivances symboliques, mais comme des marqueurs de nouvelles manières d’être au monde.
Une contribution philosophique à l’anthropologie des images et des relations entre humains et non-humains. il est passionnant de voir l’œil d’un non préhistorien sur des sujets maints fois décrits.
La dernières partie de l’ouvrage, plus philosophique, est plus difficile d’accès… de part le nombre de références !
C.R.
L’auteur, Philippe Grosos
Professeur de philosophie à l’université de Poitiers, Philippe Grosos a publié aux Éditions du Cerf plusieurs ouvrages consacrés à la préhistoire : Signe et forme. Philosophie de l’art et art paléolithique, Lucidité de l’art. Animaux et environnement dans l’art depuis le paléolithique supérieur. Il a reçu le Prix La Bruyère 2022 de l’Académie française pour Des profondeurs de nos cavernes.
Sommaire de Mi-homme mi-bête
Introduction
Logique paléolithique
Le jeu fluide de l’hydratation
L’apparition des théranthrope
Naissance d’une suspicion
« Coulés dans le moule des quadrupèdes »
Logique de la néolithisation
Présence de l’ancestralité
La multiplication des théranthropes
Le génie de l’art
Peinte, gravée, coulée dans la pierre
Conclusion
Index des noms propres
Table des illustrations
Un extrait de Mi-homme mi-bête
(page 110) … Le thème du sorcier travesti finit donc par effacer celui du théranthrope, et ainsi résoudre le problème en le supprimant.
Si la question de l’authentification d’une telle figure doit être posée, c’est donc bien que le doute sur son identité est régulièrement suggéré par un grand nombre de préhistoriens. Comme si, finalement, ils n’y croyaient pas, ou plus exactement comme s’ils ne croyaient guère au fait que les Paléolithiques aient pu croire à leurs theranthropes – car, rationnellement dit, de tels êtres n’existent pas. Mais pourquoi n’y auraient-ils pas cru alors que nombre de chrétiens croient aujourd’hui toujours en l’existence des anges?
Un exemple significatif de cette position herméneutique – qui d’ailleurs tend vite à être plus affirmative que dubitative – nous est fourni par l’analyse d’une des figurations présentes dans la grotte magdalénienne de Gabillou, située quant à elle en Dordogne. L’importance de cette caverne a fait dire à Jean Clottes qu’il s’agissait d’« un autre Lascaux». Et cela, non pas tant parce qu’elle fut inventée quelques mois après elle, mais en fonction de la concentration des représentations qu’elle contient, du moins rapportée à sa modeste superficie. En effet, cette grotte composée d’un couloir rectiligne d’à peine 30 mètres de long compte 163 représentations animales et six, voire sept lampes à graisse. Et comme à Lascaux, le cheval – reproduit à 60 exemplaires, soit 45,5 % du bestiaire identifié – y est l’animal dominant. Mais on y trouve également 4 représentations anthropomorphiques… ainsi qu’un possible théranthrope figuré tout au fond de la cavité [fig. 22]. Possible théranthrope, car certains observateurs, tel Jean-Pierre Duhard, y voient quant à eux un humain revêtu « d’une dépouille animale céphalée? ».
Certes, si la prudence dans l’authentification s’impose, c’est tout d’abord parce que la figuration n’apparaît pas clairement. Toutefois, cette tentation de faire du « Sorcier» de Gabillou un humain déguisé plutôt qu’un théranthrope doit attirer notre attention sur un élément essentiel du problème: la rareté autant que le caractère déconcertant de ce motif théranthropique font qu’aucune de ces représentations paléolithiques ne possède pour nous une pleine évidence, en sorte que chacune d’entre elles est sujette à une suspicieuse et somme toute légitime interrogation.

(fig 22)




Emmanuel Anati
















