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Preuves de cannibalisme il y a 5 700 ans en Espagne
Preuves de cannibalisme il y a 5 700 ans dans la grotte El Mirador en Espagne
Le site d’Atapuerca à Burgos (nord) continue de délivrer des restes humains présentant des traces d’anthropophagie. Ce sont plus de 200 restes de squelettes répertoriés dans la grotte d’El Mirador, qui montrent que le cannibalisme était également pratiqué au néolithique
La sierra de Atapuerca
La Sierra de Atapuerca est déjà mondialement reconnue pour ses découvertes archéologiques datant paléolithique.
C’est en 1976 que le premièr fossile humain a été découvert par Trinidad Torres, qui préparait à l’époque sa thèse de doctorat sur les ours préhistoriques ! Les recherches se sont alors intensifiées et planifiées.
En 1992, la découverte de restes anthropologiques sur le gisement de la Sima de los Huesos a pointé les feux scientifique sur cette région. En 1994, les archéologues ont mis au jour des fossiles vieux de plus de 900 000 ans appartenant à une espèce nouvellement identifiée, Homo antecessor. En 2000 le gisement est déclaré au patrimoine mondial de l’UNESCO.
En 2022 les chercheurs ont mis au jour un fragment facial et une partie d’une mâchoire d’Homo affinis erectus, datant d’environ 1,2 million d’années, qui est, à ce jour, le plus ancien fossile d’hominidé trouvé à Atapuerca. Les fouilles continuent sur ce site de grande ampleur.

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Après le paléolithique, le néolithique est aussi violent
Dans la grotte espagnole El Mirador, des chercheurs ont découvert des ossements humains datant de l’Âge du Bronze. Ces restes, appartenant à une même famille, portent les marques d’un « cannibalisme éliminatoire ».
Au total les archéologues ont répertorié 650 fragments d’ossements humains (Homo sapiens). Selon leurs conclusions, publiées ce jeudi 7 août 2025 dans la revue Nature, les ossements appartenaient au moins à onze individus, dont des enfants. L’étude montre des traces des marques de coupures précises, des traces de brûlures contrôlées, des traces de cuisson, et même des marques de morsures humaines.
Un peu plus scabreux, « les individus semblent avoir été écorchés, décharnés, désarticulés, fracturés, et pour finir cuits dans l’eau bouillante« . On se croiraient dans une recette de cuisine !
Entres autres, les chercheurs ont identifié que le fémur d’un bébé d’environ 1 an, retrouvé sur le même site, montre des traces claires de percussion pour l’extraction de la moelle – une preuve forte de cannibalisme.
Cette découverte remet en question l’image idyllique des sociétés néolithiques présentées comme des communautés agricoles pacifiques, presque hippies, alors qu’elles « résolvaient également les conflits de manière violente ».
« Dans cette étude, nous avons affaire à un nouveau cas de cannibalisme dans les sites d’Atapuerca », souligne la paléoécologue Palmira Saladié de l’Institut catalan de paléoécologie humaine et d’évolution sociale (IPHES) en Espagne.

Comment expliquer ce cannibalisme ?
Les preuves suggèrent en outre que cette pratique de cannibalisme s’est produite à peu près au même moment, sur une durée limitée. Les individus ont été tués et consommés en une seule fois, au maximum sur plusieurs jours. Si certains archéologues évoquent l’hypothèse d’un incident isolé, les traces montrent un acte de cannibalisme élaboré, et non d’un acte de survie.
« Il ne s’agissait ni d’une tradition funéraire ni d’une réponse à une famine extrême », explique Francesc Marginedas, anthropologue évolutionniste et archéologue du Quaternaire à l’IPHES, à ScienceAlert. Et d’affirmer : « Les preuves suggèrent un épisode violent, compte tenu de la rapidité avec laquelle tout s’est déroulé – possiblement le résultat d’un conflit entre communautés agricoles voisines. »

Les chercheurs pensent qu’Il pourrait s’agir d’un exemple de « cannibalisme éliminatoire ». Cette action est destinée, non seulement à tuer, mais de manière plus générale à effacer totalement une lignée ou un groupe. Elle pouvait se pratiquer à des fins politiques ou symboliques. Les chercheurs déclarent « »Pour nos ancêtres, « il s’agissait d’effacer l’ennemi à la fois du monde physique et du monde spirituel. On croyait que la consommation de la chair détruisait complètement l’âme, éliminant toute trace de l’adversaire. » Cette déclaration n’engage que leurs auteurs !
Ce n’est pas la première fois que les hommes qui peuplaient Atapuerca sont liés à des actes de cannibalisme. Récemment, des fouilles dirigées par l’IPHES ont mené à la découverte d’un squelette d’enfant âgé de deux à quatre ans, présentant des marques cannibales remontant à 850 000 ans.
«Le cannibalisme est extrêmement répandu dans le règne animal», indique le biologiste Bill Schutt (Université de Long Island), et les humains ne font pas exception. « Ce qui nous rend différents des autres animaux ce sont les rituels, la culture et les tabous ». « Nous avons été formatés pour penser que le cannibalisme est la pire chose que nous pourrions faire« .
Comme le dit avec humour Rodríguez-Hidalgo : « Atapuerca est en quelque sorte la capitale du cannibalisme » sur le plan scientifique.
Sources
Nature Evidence of neolithic cannibalism among farming communities at El Mirador cave, Sierra de Atapuerca, Spain
EuroNews Des os humains révèlent une scène de cannibalisme …
Géo « Exploitation extrême » : des archéologues espagnols découvrent des traces de cannibalisme de guerre datant d’il y a 5 700 ans
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Nicolas Teyssandier


L’enfance de l’humanité
Pedro Lima