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Accueil - Hominidés - Hominidae - Actualités - News - Cannibalisme humain... pas forcément pour les raisons que l'on croit
Cannibalisme, un être humain pas assez nutritif... pour ses congénères ! (13/04/17)

L’être humain : une piètre valeur nutritive !
Une étude sur la valeur nutritive de la chair humaine montre que pour l’homme préhistorique les autres espèces étaient plus « nourrissantes »…

Cannibalisme humain aux grottes de Gran Dolina en EspagneLes archéologues ont trouvé des signes de cannibalisme chez les ancêtres de l’homme humain depuis 800 000 ans. James Cole (Université de Brighton) a répertorié les différentes preuves de cannibalisme préhistorique dans le monde. Si les ossements humains présentent des marques attestant l’anthropophagie, ils ne donnent pas les motivations des hommes pour se consommer entre eux. Le chercheur s’est donc attaché à chercher les raisons du cannibalisme aux débuts de l’humanité.

Un exemple de site paléolithique avec du cannibalisme : les grottes de Gran Dolina, en Espagne. Les restes de bisons, de moutons et de cerfs ont été retrouvés, mélangés avec les ossements d'au moins 11 êtres humains (dont des enfants et des adolescents). Ces derniers présentaient des marques de cannibalisme. En plus des traces de découpe montrant que la chair avait été retirée de l'os, les chercheurs ont pu démontrer que les Homo antecessors de Gran Dolina avaient extrait et mangé le cerveau de leurs victimes.
Ce site, très riche, a également montré que ce cannibalisme a été régulièrement pratiqué sur une durée de 100 000 ans. 
Les ossements humains, mélangés avec ceux d'autres animaux, ont été préparés de la même manière, conduisant certains anthropologues à suggérer que le cannibalisme sur le site n'a peut-être pas été pratiqué dans une situation d'urgence alimentaire mais plutôt comme un comportement rituel.
Image : ossements humains de Gran Dolina présentant des traces et des marques de décharnement et de cannibalisme.

Crâne humain utilisé comme coupe - Grotte de Gough en AngleterreLes sites de cannibalisme paléolithique documentés
Pour cette étude, le chercheur a identifié et répertorié plusieurs gisements préhistoriques présentant des preuves avérées de cannibalisme.
Le responsable de cette nouvelle étude estime que, lorsque les archéologues étudient un site où le cannibalisme humain est avéré, ils cherchent à comprendre le pourquoi de cette pratique. Ils veulent classer le site selon les motivations cannibales : soit dans un but rituel (comme pratique funéraire ou guerrière), soit dans un but nutritionnel (voire uniquement en cas de famine).
Photo : crâne humain utilisé comme coupe - Grotte de Gough - Natural History Museum (Londres). Neekoo pour Hominides.com
Pour le docteur Cole, la définition brute du cannibalisme nutritionnel est la forme courante du cannibalisme et il n'y a pas de preuve qu’il était pratiqué dans un but spirituel, culturel ou rituel. Il faut donc avoir une approche différente du cannibalisme à la préhistoire.


Site

Datation

Type
d’hominidé

Type de cannibalisme
(interprétation)

Nombre de corps identifiés

Age des individus

Restes de faune

Gran Dolina (TD6 – Aurora Stratum)

936 000 BP

Homo antecessor

Nutrition

11

2 adultes, 3 adolescents, 6 enfants

Cervus, Sus, Equus, Bison, Megaloceros, Dama, Capreolus, Eucladoceros, Stephanorhinus, Mammuthus, Canis, Vulpes, Ursus, Crocuta, Lynx

Caune de l’Arago

680 000 BP

Homo erectus

Rituel

30

18 adultes, 12 enfants

Equus, Rangifer, Ovis, Bison, Ovibos, Cervus, Coelodonta

Moulka-Guercy

100 000 BP

Homo néandertalensis

Nutritionnel ou famine

6

2 adultes,2 adolescents, 2 enfants

Cervus, Capra, Artiodactyla (undefined), Perissodactyla (undefined), Carnivora (undefined)

El Sidron

48 400 BP

Homo néandertalensis

Nutritionnel ou disette

13

7 adultes, 3 adolescents, 2 juvéniles, 1 enfant

Pas identifiés

Padrelles

45 000 BP

Homo néandertalensis

Nutritionnel

5

3 adultes, 1 adolescents, 1 enfants

Panthera, Canis, Vulpes/Alopex, Crocuta, Sus, Bovinae, Rangifer, Cervus, Equus, Lepus

Cueva del Boquete de Zafarraya

42 000 BP

Homo neanderthalensis

Nutritionnel

9

7 adultes, 2 enfants

Capra, Bos, Cervus, Sus, Equus, Rupicapra, Panthera, Lynx, Felis, Crocuta, Cuon, Vulpes, Ursus

Troisième caverne de Goyet

40 500
-
45 500 BP

Homo neanderthalensis

Nutritionnel

5

4 adultes/
adolescents, 1 enfant

Equus, Rangifer, Cervus, Capreolus, Megaloceros, Bos, Capra, Sus, Lepus, Mammuthus, Ursus, Vulpes, Crocuta, Meles

Maszycka Cave

14 280 – 15 800 BP

Homo sapiens

Guerre

16

5 adultes, 3 juvéniles, 8 enfants

Equus, Cervus, Saiga, Bos, Ursa, Lepus, Sus, Rhinoceros (Ceratotherium?)

Gough’s Cave

14 700 BP

Homo sapiens

Nutritionnel avec rituel sur les squelettes

5

2 adultes, 2
adolescents, 1 enfant

Equus, Cervus, Bos, Sus, Lepus


Machoire avec des marques d(anthropophagie La viande humaine pas très « rentable »  

Le chercheur a étudié la viande humaine en la comparant à celle d’autres animaux disponibles et consommés à la même époque. Il apparaît que d’un point de vue nutritionnel, la viande humaine n’est pas du meilleur rapport. Elle a un pourcentage de muscles inférieur à celle des autres animaux (38%, contre 60% en général). Et d’un point de vue calorique, là-aussi le bifteck d’hominidé est moins bien riche que celui des autres animaux. Pour une livre de viande, l’humain ne délivre que 146 calories, contre 298 pour un sanglier…
Photo : mâchoire présentant des marques de découpes cannibales - Grotte de Gough - Natural History Museum (Londres). Neekoo pour Hominides.com.
« La consommation d’un corps humain n'aurait pu assurer les besoins énergétique d'un groupe de 25 personnes que pendant une journée et demi seulement», affirme James Cole.
Pour le chercheur, cela signifie que la viande humaine était peut-être plus simple à se procurer mais peu nourrissante. Il lui apparaît dans ce cas que les hommes paléolithiques devaient pratiquer l’anthropophagie pour d’autres raisons que nutritionnelles.
  Humain Renne Rhinocéros laineux Cheval Mammouth Sanglier  
% de
muscle
38 % 60% 60% 60% 60% 60%
Calories pour 1 livre (450 g) 146 353 2546 639 6614 298

James Cole déclare que tout le cannibalisme paléolithique répertorié ne pouvait pas avoir pour seul objectif de répondre à des besoins alimentaires : il a peut-être également servi diverses fonctions sociales. Le chercheur imagine qu'on pourrait l’expliquer par des rites funéraires, des habitudes culturelles, une manière de défendre son territoire ou d’intégrer la force d’un ennemi.

Silvia Bello (National History Museum de Londres) : "Je suis d'accord avec Cole que le cannibalisme paléolithique était probablement plus souvent utilisé comme un « choix » plutôt que comme une « nécessité ». L'anthropologue rajoute "Je pense cependant que trouver la réelle motivation du choix est une question particulièrement difficile". Selon l'anthropologue Erik Trinkaus "C'est une question de survie quand il n'y a pas d'autres sources de nourriture, les membres du groupe social sont décédés et les membres survivants consomment les corps de personnes déjà mortes".

«Le cannibalisme est extrêmement répandu dans le règne animal», indique le biologiste Bill Schutt (Université de Long Island), et les humains ne font pas exception. "Ce qui nous rend différents des autres animaux ce sont les rituels, la culture et les tabous". "Nous avons été formatés pour penser que le cannibalisme est la pire chose que nous pourrions faire".

C.R.

Sources
Nature Assessing the calorific significance of episodes of human cannibalism in the Palaeolithic
NationalGeographic
Researchgate


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